
Quand le ciel se vide et que la mer se gonfle, Gouné le pêcheur, par de brefs éclairs de lucidité, canne à la main, reçoit le message de cette vie sous-marine. Celle-là devient propice en un instant, prête à partager aux courageux ses trésors écaillés qui remontent en banc des courants marins, jusqu’aux abords de récifs côtiers.
Perdu dans le silence du labeur solitaire quotidien, il sait écouter le chant de la mer, où on entend les oiseaux se plaindre dans le vent et d’autres chants étranges d’anges féminins, entrainants de vieux marins inconnus vers un paradis abyssale de l’océan indien.
Suspendu dans les airs, perché au dessus de l’eau, comme une figure crucifiée sur un bois planté au milieu du néant, statique, il guette le temps qui passe. Balancé par des vagues tumultueuses, il réfléchit à sa vie sans remous, à sa vie sur échasse.
Gouné est un pêcheur, un vrai, il n’est pas de ceux qui pour quelques pièces prennent la pose sur des fausses perches à faire semblant de prendre du poisson pour des touristes bon marché.
Ceux là, le soir venu, prendront la boisson, et feront partis de ce peuple ivre qui vogue au son de la musique des cabarets de rue. Tanguants d’ivresse, on les retrouvera échoués le matin, un peu partout sur les bas-cotés des routes entre Unawatuna à Weligama.
Sa vie à lui, est bourrée de simplicité; de pieds nus dans le sable, de poissons qu’on écaille tous les soirs pour le diner, de regards complices avec Indika qu’il embrasse en cachette, de visites quotidiennes au temple, de couchers de soleil qui caressent les cocotiers, de tortues de mer qu’on rend visite à 2h du matin, et d’admiration pour Sudu son fils qui parfait son anglais, en surfant avec des touristes blonds le long de la côte. C'est une vie qui fait chavirer son âme et qui provoque tous ses sens.
Gouné, mon ami, m’a appris à pêcher suspendu sur l’eau, à découvrir une vie qui n’a d’ambition que celle d’être vécue et partagée, une vie suspendue sur échasse entre joie et tristesse, une vie puissante car simple et unique. Et en marchant le long de la plage, il m’explique que la vie est comme l’océan, nous sommes tous attirés par elle, obnubilés par sa force, son mouvement incessant, ses mystères et sa beauté ineffable. Il y a ainsi plusieurs façons de voguer et parcourir cet océan, et qu’un n’est aucunement obligé d’aller loin et découvrir les mers du monde pour voir le mystère de ses eaux. On peut ainsi le faire à 10 mètres du bord, perché sur un récif.
Sa vie à Gouné, n’a jamais été un problème qu’il faut résoudre, mais un mystère magique qu’il faut vivre.


























